Entretien avec Aleksandar Protic – Vice-président Europe, UNESCO Clubs et associations /CAO, École Polytechnique Executive Master / Président, Académie Tesla

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Tout d’abord, j’aimerais souligner que, à mes yeux, l’art authentique est hors du temps, donc contemporain par essence.

Chez les Grecs, l’artisanat, lié à un savoir-faire (τέχνη), n’est guère distinct de l’art. La création d’une œuvre d’art suppose d’abord la maîtrise d’une technique. Au demeurant, bien des œuvres que nous admirons aujourd’hui dans les musées n’avaient pas de finalité artistique : objets cultuels ou objets du quotidien. Platon a été le premier à développer l’idée de l’art comme « μίμησις », qui, en grec, réunit à la fois l’imitation, la représentation et l’expression. Cette notion est maladroitement traduite jusqu’en 1954. Il faut attendre cette date pour que le philologue allemand Hermann Koller en propose une traduction plus exacte. C’est la raison pour laquelle le sens premier de l’art a été défini pendant des siècles comme la représentation ou la reproduction de quelque chose de beau ou de significatif.

L’œuvre d’art au XXIe siècle s’est affranchie de cette notion de représentation. Dans le domaine de l’expressionnisme abstrait, je suis sensible à la révolution opérée par Pierre Soulages qui fit du noir non plus une couleur, mais une métaphore. Mais ce sont aussi les supports traditionnels qui ont été supplantés par de nouvelles formes qui ne s’inscrivent plus dans un champ spatial limité. L’œuvre d’art aujourd’hui s’inscrit souvent dans le champ conceptuel, tout en utilisant les outils que la science et la technologie mettent à sa disposition. Une startup innovante Graffiti For Smart City utilise la recherche ainsi que des solutions technologiques de l’IoT et de la 5G afin de revitaliser les espaces urbains des grandes villes. Son ambition est de rassembler une communauté internationale d’artistes réunis dans la création de la plus grande œuvre d’art du monde. Ce projet me semble être emblématique d’une fusion entre art, science et technologie, mais aussi emblématique de nouvelles possibilités de co-création qu’apporte l’art contemporain.

Nikola Tesla, qui m’inspire tout au long de ma vie, est également une source d’inspiration pour de nombreux artistes contemporains. À son époque déjà, il avait proposé une nouvelle manière de réfléchir et de créer. Il osa casser les idées de l’époque sur l’art, la technologie et la science. Il osa contredire ses contemporains au sujet de l’inégalité des sexes et de l’inégalité entre les peuples. C’est la modernité de sa pensée qui explique que sa vision et sa mission restent source d’inspiration, aujourd’hui encore.


La littérature nous offre parfois la possibilité de voyager dans le temps. C’est ainsi que la lecture du dialogue de Charles Du Bos avec André Gide m’a transporté à leur époque, me donnant même l’impression de participer à leur échange sur la musique de Bach. Gide expliquait à son interlocuteur : « La musique de Bach est une musique astronomique ». Cette pensée me saisit et me rend, l’espace d’un instant, le contemporain de ces deux écrivains. Cette réflexion me permet de reconsidérer la création musicale et d’apprécier, par exemple, Lamozé, un musicien-ingénieur créant des œuvres d’art à partir de l’AI, l’audio 3D et la synthèse vocale.

Les scientifiques interviennent désormais dans la sphère artistique. Le cinéaste Coppola a ainsi créé un voyage d’exception avec Flavia Sparacino : ils nous dévoilent la manière dont la technologie consiste à transformer le corps humain en interface et développe une intelligence perceptuelle via les médias interactifs.